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6 décembre 2019 7h15 ledroit.com
La Cour suprême n’entendra pas l’appel d’un ex-nazi dépouillé de sa citoyenneté

Des groupes juifs à travers le pays ont salué la décision de la Cour suprême de ne pas permettre à un homme âgé ayant menti au sujet de son appartenance à un escadron de la mort nazi au cours de la Deuxième Guerre mondiale de continuer à se battre pour conserver sa citoyenneté canadienne.

Son avocat a de son côté critiqué cette décision, estimant qu’il s’agit d’un triomphe de la politique sur la justice.

Conformément à la coutume, la Cour suprême n’a pas motivé son refus d’entendre l’appel de Helmut Oberlander. Mais cette décision, la plus récente d’une saga juridique qui s’étend sur plus de deux décennies, signifie que l’homme de 95 ans se rapproche davantage de son expulsion formelle du Canada.

M. Oberlander, qui est né en Ukraine, était membre de l’Ek 10a, un escadron de la mort mobile qui opérait derrière la ligne de front de l’armée allemande dans les territoires occupés de l’est et qui est responsable de la mort de plus de deux millions de personnes, dont la plupart étaient des Juifs, pendant la Deuxième Guerre mondiale.

M. Oberlander a longtemps affirmé qu’il n’avait pris part à aucune atrocité, mais des groupes juifs ont déclaré que sa simple appartenance à l’escadron devrait suffire pour lui interdire de continuer à résider au Canada.

«Beaucoup trop de nazis ont réussi à se tirer d’affaire, à mener une vie relativement normale et à jouir de la liberté dont leurs victimes ont été privées lors de l’Holocauste», peut-on lire dans une déclaration des Amis du Centre Simon Wiesenthal pour les études sur l’Holocauste. «Bien que la justice dans cette affaire soit attendue depuis longtemps, il n’est pas trop tard pour que justice soit rendue.»

«Nous sommes réconfortés par le fait que le gouvernement et les tribunaux se tiennent à nos côtés pour que justice soit rendue», affirme le Centre pour les affaires israéliennes et juives dans un communiqué. «Même à l’heure actuelle, nous sommes hantés par les crimes odieux commis contre nous et nos familles. Nous sommes peinés de penser qu’il existe encore des criminels de guerre nazis qui cachent leur passé et vivent parmi nous.»

Mais l’avocat de M. Oberlander, Ronald Poulton, a déclaré que cette décision représentait un déni de justice pour un homme handicapé qui n’a pas de pays dans lequel retourner si les procédures d’expulsion progressent.

«Aujourd’hui, la politique a triomphé. La démocratie et l’état de droit ont été perdus», a-t-il déclaré, ajoutant qu’il s’agit d’une triste journée pour M. Oberlander et sa famille. «Maintenant, un homme de 95 ans qui est aveugle et qui n’entend pas fait face à la déportation.»

Les tribunaux ont convenu à plusieurs reprises que la citoyenneté de M. Oberlander devrait être révoquée au motif qu’il a menti sur sa participation à l’Ek 10a.

En juin 2017, le gouvernement fédéral a révoqué la citoyenneté canadienne de M. Oberlander pour la quatrième fois depuis le milieu des années 1990. Le gouvernement a soutenu qu’il était complice de crimes de guerre en raison de son appartenance à l’escadron de la mort.

M. Oberlander, qui est arrivé au Canada en 1954 et est devenu citoyen en 1960, a longtemps soutenu qu’il avait été enrôlé dans l’unité à l’âge de 17 ans et risquait d’être exécuté s’il avait tenté de partir. Il a insisté sur le fait qu’il avait agi en tant qu’interprète et n’avait pris part à aucun meurtre.

Le promoteur immobilier à la retraite, qui vit maintenant à Waterloo, en Ontario, n’a pas révélé son expérience de la guerre lorsqu’il a demandé à émigrer, à son arrivée au Canada et lorsqu’il a demandé la citoyenneté.

En septembre 2018, le juge Michael Phelan de la Cour fédérale a confirmé que la décision du gouvernement était raisonnable. M. Phelan a déclaré que le juge Andrew MacKay de la Cour fédérale avait découvert en 2000 que M. Oberlander était au courant de la brutalité de l’unité et avait été complice de ses crimes de guerre en tenant le rôle d’interprète.

Cependant, les avocats de M. Oberlander ont maintenu que le juge Phelan avait mal interprété la décision de M. MacKay et s’appuyait en fait sur sa décision antérieure de 2008 - une décision qui avait été infirmée en appel. Ils ont soutenu que M. Phelan était partial en raison de son implication dans l’affaire 10 ans plus tôt.

Le dossier a été examiné par diverses cours d’appel depuis, et la décision de jeudi marque la fin de la bataille judiciaire.

M. Poulton a déclaré que la prochaine étape probable du gouvernement sera d’organiser une audience devant la division de l’immigration et de tenter d’obtenir une ordonnance d’expulsion.

Ni le ministère fédéral de l’Immigration ni l’Agence des services frontaliers du Canada n’ont immédiatement répondu à une demande pour commenter la décision.

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