Le magazine "Profil" revient
sur les difficultés que rencontre le centre Simon-Wiesenthal
à faire juger d'anciens criminels de guerre. Cependant, une
liste de 47 noms vient d'être remise aux autorités de Vienne.
Le titre évoque une production hollywoodienne, surtout lorsqu'on
sait qu'une prime de 10 000 dollars est offerte à ceux qui
sont susceptibles d'aider les justiciers. Mais le sujet ne
fait guère recette en Autriche : le centre Simon-Wiesenthal,
voué comme son fondateur à rechercher les derniers criminels
nazis, a soumis au gouvernement de Vienne une liste de quarante-sept
noms d'anciens militaires, soupçonnés d'avoir participé sous
l'uniforme allemand, pendant la seconde guerre mondiale,
à des crimes contre les populations civiles.
Vingt-trois d'entre eux appartenaient à la division SS Heinrich
Himmler, qui s'est illustrée par des massacres de villageois
dans la région des Apennins, en Italie. D'autres étaient
incorporés dans les sinistres "bataillons
de police" qui ont liquidé les ghettos de Pologne et semé la terreur en Ukraine ou en Russie.
Le directeur du centre Simon-Wiesenthal en Israël, Efraïm
Zuroff, admet qu'il ignore combien de ces hommes sont encore
en vie et s'ils résident en Autriche. Dans un entretien au
magazine viennois Profil, il se plaint d'avoir été froidement
accueilli par le ministre FPÖ de la justice, Dieter Böhmdorfer,
auquel il a remis la liste, que celui-ci a transmise au parquet.
Dans quatre cas seulement, il existe des témoignages précis
impliquant les anciens militaires dans les tueries perpétrées
par leurs unités. Profil, qui consacre un dossier à l'"Opération
dernière chance", semble sceptique sur ses possibilités de succès en Autriche. Ses enquêteurs
ont pu retrouver trois des quarante-sept ex-militaires de
la liste, mais un seul est encore assez lucide pour se souvenir
de ces années noires.
Cet "ultime effort" du
centre Wiesenthal donne surtout à l'hebdomadaire l'occasion
de revenir sur l'attitude des autorités autrichiennes : le
dernier procès intenté dans ce genre d'affaire remonte à
1975 et s'était conclu, comme bien d'autres, par un acquittement "faute de preuves".
Ces verdicts indulgents sont la principale raison pour laquelle
la volonté politique de poursuivre les criminels a fini par
s'éteindre dans l'indifférence générale. "Comme
ils n'étaient pas bien perçus à l'étranger, on a préféré
renoncer à toute procédure judiciaire", plutôt que de raviver à chaque fois une image peu flatteuse du pays, explique
à Profil l'historien Walter Manoschek. Le magazine rappelle
que l'Autriche occupée par les Alliés avait tout fait pour "mettre de l'ordre dans sa propre maison" de peur d'y être contrainte par les forces étrangères.
Le premier paragraphe de la loi sur les crimes de guerre,
dont s'était dotée la deuxième République, née sur les décombres
du régime nazi, spécifiait que l'"obéissance
aux ordres"ne pouvait servir d'excuse à des crimes de guerre ou contre l'humanité.
TÉMOINS JUIFS INSULTÉS
Entre 1945 et 1955, des tribunaux populaires formés de magistrats
et de simples citoyens ont organisé 137 000 procès pour faits
de nazisme. 23 000 ont abouti à des condamnations, dont 43
peines capitales, mais il y eut aussi des acquittements,
dans la moitié des cas. Avec la guerre froide puis le départ
des derniers soldats alliés s'ouvre une nouvelle période
: les nazis sont perçus comme des "combattants
contre le communisme" et l'on considère qu'ils ont déjà payé lorsqu'ils ont été prisonniers de guerre
en Union soviétique. Aux procès des années 1960 - tel celui
de Franz Murer, ancien commissaire du ghetto de Vilna - les
témoins juifs sont insultés par le public, qui applaudit
l'acquittement, et la presse décrit Simon Wiesenthal, Autrichien
originaire de Galicie, comme "observateur officiel d'Israël". La justice autrichienne doit s'y prendre à quatre fois avant de condamner enfin,
en 1972, l'ancien adjoint d'Eichmann Franz Novak, qui avait
organisé les transports par train dans les camps.
Ce n'est qu'en 2000 que le médecin Heinrich Gross, un octogénaire
accusé d'euthanasie sur des enfants, mais longtemps protégé
par le Parti social-démocrate, comparaît à nouveau pour meurtre,
pendant quelques minutes. Souffrant de démence sénile, selon
une expertise contestée, il ne peut plus être jugé.
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