02/02/15 à 15:46 levif.be
Quelle vie pour les nazis en exil ?
Muriel Lefevre

Le Monde se penche sur l'étrange relation qui existait entre l'Allemagne de l'Ouest et les criminels nazis qui avaient fui le pays.

Aloïs Brunner a refait la une des médias, à la fin de l'année 2014, lors d'une polémique sur la date de sa mort, pas le lieu, puisqu'il serait mort en Syrie. Pour certains, il y serait mort dans son lit il y a 20 ans alors que pour d'autres sa mort ne remonterait qu'à 4 ans. Cette dernière piste vient de Efraim Zuroff, directeur du Centre Simon Wiesenthal, à Jérusalem qui est "presque certain" que Brunner est mort il y a quatre ans en Syrie. Une information qu'il a dit tenir d'un ex-agent des services de renseignements allemands. C'est justement cette partie du récit qui pose question. Quelles pouvaient bien être les relations entre les services secrets (BND) ouest-allemands et les nazis en exil ? s'interroge Le Monde.

Dans un courrier, Berlin affirme que Brunner n'a pas été un collaborateur du BND. Ce qui semble néanmoins certain, c'est que l'Allemagne savait où il se trouvait depuis au moins 1961, alors qu'elle n'a demandé son extradition qu'en 1984. Cette inertie s'expliquerait par le fait que Brunner était protégé par la Syrie.

Le bras droit d'Adolf Eichmann

Brunner était le bras droit d'Adolf Eichmann, principal responsable de la mise en oeuvre de la "solution finale" pendant la Seconde Guerre mondiale. Il serait responsable de la déportation vers les camps d'extermination de plus de 120.000 Juifs de divers pays, dont la France. Né en 1912, il avait été condamné à mort par contumace par le Tribunal permanent des forces armées à Paris en 1954. Et, en 2001, il avait été condamné à nouveau en France à la prison à perpétuité pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Repéré en Syrie, il a été la cible de plusieurs tentatives d'assassinat, notamment à l'aide de lettres piégées, attribuées au Mossad, les services secrets israéliens.

Une procédure secrète

Selon De Spiegel, il existait, dans Allemagne de l'ouest de l'époque, une procédure secrète au nom de code Warndienst West, le"service d'alerte Ouest", qui auraient "prévenu près de 800 criminels nazis de leur différente condamnation dans le monde". Il semble en effet qu'à certains endroits la présence d'anciens de la Waffen SS aurait pu arranger l'Allemagne de l'Ouest. Surfant sur la bonne image que les nazis avaient dans le monde arabe, ces "exilés" furent parfois utilisés comme représentants de société allemande. Mais la relative tranquillité dont bénéficiaient certains anciens nazis pourrait aussi être la conséquence d'une certaine loyauté envers "d'anciens camarades" ou pour éviter à certaines personnalités publiques d'être mouillées dans des procès. Au point de faire pression si certains journalistes s'approchaient de trop près.

Les choses changent

Le BND effectue désormais un travail de transparence en ouvrant par exemple ses archives de 1947 à 1968. La CIA l'avait fait dès 1998. Toujours selon Le Monde, si ce travail d'ouverture est vertueux, les Allemands et les Américains ne sont pas les seuls à avoir protégé d'anciens nazis. La France et le Vatican auraient recouvert les traces de ces derniers sous une chape de plomb.

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