Pendant des décennies, il a coulé des jours tranquilles en
Bavière, dans le sud de l'Allemagne. Mardi 11 août, l'ancien
soldat de la Wehrmacht Josef Scheungraber a été condamné
à la prison à perpétuité pour crime de guerre par le tribunal
de grande instance de Munich, à l'issue de l'un des derniers
procès du genre outre-Rhin.
Agé de 90 ans, il a été jugé responsable du massacre de dix civils italiens en
Toscane, en juin 1944. En représailles à une
attaque de partisans ayant fait deux morts allemands,
le bataillon de chasseurs alpins commandé par
M. Scheungraber avait enfermé les futures victimes
dans une maison villageoise avant de la faire
exploser. L'accusé a toujours vigoureusement
démenti les faits qui lui étaient reprochés.
Le dernier jour d'audience, il a laissé éclater
sa colère : "Pendant quatorze ans, je me suis dévoué pour ma prétendue patrie. Et aujourd'hui,
à presque 91 ans, je me retrouve sur le banc
des accusés. Je ne souhaite cela à personne !"
TÉMOIGNAGE D'UN SURVIVANT
Le procès
a duré onze mois. Aux dires des observateurs,
il fut très difficile à mener et donne un avant-goût
du futur procès de John Demjanjuk. L'ancien gardien
de camp d'extermination d'origine ukrainienne
devrait être jugé à partir de l'automne. Dans
un cas comme dans l'autre, la justice se fonde
presque exclusivement sur des documents écrits
et des rapports d'experts : plus de six décennies
après les faits, la plupart des témoins sont
morts ou très âgés.
Au village
de Falzano di Cortona, en Toscane, un civil italien
a bien survécu à l'explosion de la maison. Gino
Massetti était âgé de 15 ans au moment du massacre.
Devant la cour, il a relaté avec beaucoup d'émotion
ses souvenirs du funeste 26 juin 1944. Il fut
toutefois incapable de se rappeler si Josef Scheungraber
était effectivement le donneur d'ordres.
L'accusé avait
déjà été déclaré coupable une première fois :
en septembre 2006, un tribunal militaire italien
l'avait condamné à la prison à vie. Le retraité
ne s'était pourtant pas soumis à sa peine, la
justice allemande refusant d'extrader des citoyens
allemands sans leur consentement.
Dans un communiqué,
le directeur du Centre Simon Wiesenthal de Jérusalem,
Efraim Zuroff, a tenu à souligner l'importance
de ce dernier procès : "Le jugement d'aujourd'hui confirme que le temps qui nous sépare des faits n'atténue
en aucune manière la culpabilité des criminels
et que le grand âge ne doit pas permettre aux
meurtriers de se soustraire à la loi." Avant de se retrouver sur le banc des accusés, Josef Scheungraber était un citoyen
respecté de la petite ville d'Ottobrunn, aux
environs de Munich. Ancien propriétaire d'une
menuiserie, il a siégé une vingtaine d'années
au conseil municipal et avait été fait commandant
d'honneur des pompiers bénévoles.
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