12.08.09 | 15h44 lemonde.fr
Un ancien soldat allemand condamné pour crime de guerre
Berlin Correspondante

Pendant des décennies, il a coulé des jours tranquilles en Bavière, dans le sud de l'Allemagne. Mardi 11 août, l'ancien soldat de la Wehrmacht Josef Scheungraber a été condamné à la prison à perpétuité pour crime de guerre par le tribunal de grande instance de Munich, à l'issue de l'un des derniers procès du genre outre-Rhin.

Agé de 90 ans, il a été jugé responsable du massacre de dix civils italiens en Toscane, en juin 1944. En représailles à une attaque de partisans ayant fait deux morts allemands, le bataillon de chasseurs alpins commandé par M. Scheungraber avait enfermé les futures victimes dans une maison villageoise avant de la faire exploser. L'accusé a toujours vigoureusement démenti les faits qui lui étaient reprochés. Le dernier jour d'audience, il a laissé éclater sa colère : "Pendant quatorze ans, je me suis dévoué pour ma prétendue patrie. Et aujourd'hui, à presque 91 ans, je me retrouve sur le banc des accusés. Je ne souhaite cela à personne !"

TÉMOIGNAGE D'UN SURVIVANT

Le procès a duré onze mois. Aux dires des observateurs, il fut très difficile à mener et donne un avant-goût du futur procès de John Demjanjuk. L'ancien gardien de camp d'extermination d'origine ukrainienne devrait être jugé à partir de l'automne. Dans un cas comme dans l'autre, la justice se fonde presque exclusivement sur des documents écrits et des rapports d'experts : plus de six décennies après les faits, la plupart des témoins sont morts ou très âgés.

Au village de Falzano di Cortona, en Toscane, un civil italien a bien survécu à l'explosion de la maison. Gino Massetti était âgé de 15 ans au moment du massacre. Devant la cour, il a relaté avec beaucoup d'émotion ses souvenirs du funeste 26 juin 1944. Il fut toutefois incapable de se rappeler si Josef Scheungraber était effectivement le donneur d'ordres.

L'accusé avait déjà été déclaré coupable une première fois : en septembre 2006, un tribunal militaire italien l'avait condamné à la prison à vie. Le retraité ne s'était pourtant pas soumis à sa peine, la justice allemande refusant d'extrader des citoyens allemands sans leur consentement.

Dans un communiqué, le directeur du Centre Simon Wiesenthal de Jérusalem, Efraim Zuroff, a tenu à souligner l'importance de ce dernier procès : "Le jugement d'aujourd'hui confirme que le temps qui nous sépare des faits n'atténue en aucune manière la culpabilité des criminels et que le grand âge ne doit pas permettre aux meurtriers de se soustraire à la loi." Avant de se retrouver sur le banc des accusés, Josef Scheungraber était un citoyen respecté de la petite ville d'Ottobrunn, aux environs de Munich. Ancien propriétaire d'une menuiserie, il a siégé une vingtaine d'années au conseil municipal et avait été fait commandant d'honneur des pompiers bénévoles.

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