Les révélations
récentes sur la mort présumée d'Aribert Ferdinand
Heim offrent une occasion de revenir sur un épisode
important de l'évolution de l'éthique de la recherche
biomédicale.
Dans un article du 14 août du Daily Telegraph, la police allemande confirmait
qu'une mallette et des documents ayant été découverts
au Caire avaient appartenu à Aribert Heim. L'ancien
médecin nazi était aussi appelé «le docteur de
la mort» ou encore «le boucher de Mauthausen».
Cette nouvelle vient raviver le débat autour
de la mort présumée d'un des nazis les plus recherchés.
Alors que l'histoire des médecins nazis refait
surface, il est pertinent de revenir sur cet
épisode sombre de la recherche biomédicale et
de rappeler ce que nous en avons appris.
En février dernier, une enquête conjointe de la chaîne de télévision allemande
ZDF et du New York Times révélait qu'Aribert
Heim serait décédé en 1992. La chaîne et le journal
annonçaient que le criminel nazi, un des plus
recherchés au monde, serait mort d'un cancer
de l'intestin en Égypte où il se serait caché
depuis près de 20 ans. Cette hypothèse recoupait
alors celle de la police allemande, mais était
accueillie avec méfiance par le Centre Simon
Wiesenthal, une organisation qui se consacre
à la recherche de criminels nazis.
En mai, la
police allemande changeait son fusil d'épaule
et confiait au journal allemand Der Spiegel que,
selon leurs analyses, les documents ne constituaient
pas une preuve de décès et que les recherches
allaient se poursuivre. Enfin, le 14 août, le
Daily Telegraph publiait un article dans lequel
la police affirme que l'analyse des documents
établit hors de tout doute qu'ils avaient appartenu
à Heim. De plus, des analyses de poussière prélevée
sur la mallette démontraient que cette mallette
avait passé plusieurs années en Égypte. Bien
que ces dernières informations ne prouvent pas
que Heim soit mort, comme le stipulent ZDF et
le New York Times, elles confirment néanmoins
la thèse selon laquelle il aurait vécu en Égypte.
Seule la découverte de la dépouille permettrait
maintenant de confirmer le décès.
Cruauté
C'est en Autriche
que le docteur Heim a commis des atrocités sur
des centaines de prisonniers du camp de concentration
de Mauthausen. Après des études de médecine à
l'Université de Vienne, il rejoint les SS de
Himmler en 1938. En 1941, il devient médecin-chef
du camp de Mauthausen. C'est à cette période
qu'il pratique des interventions chirurgicales
sans anesthésie, prélève des organes sur des
sujets vivants et injecte différents mélanges
de poison dans le coeur de ses victimes.
Après la guerre,
il est condamné pour avoir appartenu à la Waffen-SS,
mais ses pratiques médicales criminelles ne sont
pas alors révélées. Il est relâché en 1947 et
pratique ensuite la médecine dans le sud de l'Allemagne.
Lors du procès d'un autre ex-nazi, un témoin
identifie Heim comme étant «le docteur de la
mort». En 1962, il fuit et disparaît alors que
la police allemande est sur le point de l'arrêter.
Heim fut loin
d'être le seul médecin nazi à s'être adonné à
des expérimentations biomédicales cruelles. Un
des procès d'après-guerre à Nuremberg fut consacré
aux médecins nazis. Au «procès des docteurs»,
20 médecins ont été accusés de crime de guerre
et d'expérimentation criminelle. Des principes
éthiques ont été développés à cette occasion
et forment ce que l'on a appelé le code de Nuremberg.
Parmi ces principes on compte, notamment, le
consentement libre et éclairé des sujets, la
liberté de ceux-ci de mettre un terme à leur
participation, la rigueur et la pertinence scientifiques
et la minimisation des risques pour les sujets.
Ces principes demeurent centraux dans les textes
régulateurs contemporains.
De nos jours,
malgré d'indéniables progrès, certains observateurs
craignent de nouvelles dérives. Par exemple,
la conduite d'essais cliniques dans des pays
en développement est une pratique à laquelle
l'industrie pharmaceutique a de plus en plus
recours afin de réduire ses coûts de production.
Dans ce contexte, les éthiciens s'inquiètent
du respect des normes de sécurité et de la qualité
du consentement de personnes particulièrement
vulnérables. Ainsi, encore aujourd'hui, bien
que l'encadrement éthique de la recherche biomédicale
prévienne des dérives de l'ampleur de celles
du Dr Aribert Heim et de ses collègues, la vigilance
reste de mise. ledevoir.com
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