MUNICH (Allemagne)
(AFP) - John Demjanjuk, 89 ans, accusé de complicité
dans l'extermination de Juifs, s'est présenté
en grabataire devant les juges à Munich, à l'ouverture
d'un des derniers grands procès de l'Holocauste.
Cet apatride d'origine ukrainienne risque la
perpétuité si la cour d'assises de Munich (sud
de l'Allemagne) décide qu'il a bien été garde
pendant six mois en 1943 dans le camp d'extermination
de Sobibor et suit le raisonnement de l'accusation.
Durant cette période, quelque 27.900 Juifs, notamment
néerlandais, ont été gazés à Sobibor. Selon
l'accusation, il a forcément participé à cette
extermination.
Arrivé en chaise roulante dans la matinée, Demjanjuk
est revenu en civière à la reprise dans l'après-midi.
Mais un journaliste de l'AFP l'a vu plaisanté
et rire avec son avocat en fin de séance.
Son défenseur, Ulrich Busch, a assuré à l'AFP
que son client était "très,
très malade (...) Je ne pense pas que c'est
du spectacle", a-t-il dit.
L'expert médical qui le suit a cependant minimisé
la gravité de ses maux.
Dès l'ouverture du procès, l'avocat du vieillard
a récusé l'impartialité de la cour, reprochant
à l'Allemagne de poursuivre un exécutant étranger
alors que des SS allemands qui étaient à Sobibor
ont été acquittés.
"
Comment se peut-il que ceux qui donnaient les
ordres aient été innocentés?",
a demandé Me Ulrich Busch. "Du point de vue du droit et de la morale, il y a deux poids deux mesures dans
ce tribunal".
C'est apparemment la première fois que l'Allemagne
juge un étranger pour crimes commis sous le
nazisme.
L'avocat a affirmé que les gardes formés à Trawniki
(Pologne), et dont Demjanjuk faisait partie
d'après l'accusation, étaient des victimes
au même titre que les Juifs morts dans les
chambres à gaz de Sobibor.
Il a même provoqué l'indignation dans l'assistance
en comparant Demjanjuk à un survivant, l'Américain
Thomas Blatt, 82 ans, une des parties civiles,
qui aurait reconnu avoir été contraint d'aider
les SS à tuer d'autres Juifs.
La cour a annoncé en fin de séance avoir rejeté
la requête de la défense.
Demjanjuk, en tête sur la liste des criminels
de guerre nazis encore en vie établie par le
Centre Simon Wiesenthal, a suivi ces échanges
par le truchement d'un interprète.
L'audience de ce qui devrait être un des derniers
grands procès des crimes commis sous le nazisme
a commencé avec plus d'une heure de retard,
les autorités ayant été incapables de canaliser
la foule.
La bousculade, dans laquelle les barrières ont
été renversées, a été telle que des survivants
ont fondu en larmes.
La salle d'audience ne peut accueillir qu'environ
150 personnes, alors que des rescapés de l'Holocauste
ou leurs descendants et les journalistes sont
venus du monde entier pour y assister.
"
Je ne veux pas de vengeance contre Demjanjuk,
je veux juste qu'il dise la vérité",
a déclaré Thomas Blatt.
Rivka Bitterman, veenue de Jérusalem, et dont
le père déporté des Pays-Bas est mort à Sobibor,
a dit attendre du procès "que
Demjanjuk soit déclaré coupable et que le monde
sache ce qui s'est passé à Sobibor".
Pour Ephraïm
Zuroff, responsable du Centre Wiesenthal à Jérusalem,
l'accusé, ne mérite aucune pitié "car il n'a eu aucune sympathie pour ses victimes". Sa comparution "est une tentative pathétique d'apparaître plus infirme qu'il ne l'est vraiment".
Le docteur
Christoph Nerl, un hématologue qui l'a examiné
plusieurs fois depuis son transfert en Allemagne
et témoignait de sa capacité à comparaître, a
expliqué que Demjanjuk souffrait d'une maladie
du sang, le syndrome myélodysplasique. Mais selon
lui, la progression de la maladie le place "tout au bas dans l'échelle des groupes à risques".
Demjanjuk
s'était établi aux Etats-Unis en 1952, après
avoir vécu près de Munich, d'où la compétence
du tribunal bavarois. Il a été déchu de sa nationalité
américaine pour avoir caché son passé.
Demjanjuk
avait été condamné à mort en 1988 en Israël,
où il était accusé d'avoir servi à Treblinka,
un autre camp, mais acquitté en appel en raison
de doutes sur son identité.
qc.news.yahoo.com
|