L’hebdomadaire allemand « Der Spiegel » daté du
30 juillet 2007 annonce que l’Allemagne traque activement
l’ancien médecin nazi Aribert Heim. Selon les
toutes dernières informations du Centre Simon Wiesenthal,
le criminel serait sur le point d’être retrouvé.
Celui que l’on nommait « Le boucher de Mauthausen » et
dont on a perdu toute trace en 1962 se serait récemment
caché en Europe puis en Amérique Latine. Agé de
93 ans, il est « chassé » par le Centre
Simon Wiesenthal depuis des décennies.
Selon « Der Spiegel », l’Allemagne, qui
avait émis un mandat d’arrêt international
contre lui en 1979, offre aujourd’hui une prime de
130 000 euros pour toute information conduisant à sa
capture ; l’Autriche a aussi promis 50 000 euros à quiconque
aiderait à retrouver la trace du médecin nazi.
Aribert Heim est un nazi bien connu des historiens de la
Deuxième guerre mondiale. Avec Aloïs Brunner,
il fait partie des grands criminels nazis jamais retrouvés.
Aribert Heim n’est pas un criminel nazi ordinaire.
Soupçonné d’avoir assassiné et
torturé plus de 300 détenus déportés
au camp de concentration de Mauthausen, c’est en qualité de
médecin qu’il tue ses « patients » dans
d’atroces souffrances.
Heim est autrichien, comme 40% des officiers et dignitaires
nazis. Il poursuit ses études de médecine à l’Université de
Vienne et, sans terminer son cursus, il rejoint à l’âge
de 21 ans le Parti National Socialiste Autrichien, alors
interdit. En 1938, immédiatement après l’Anschluss,
l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne,
il rejoint les légions SS de Heinrich Himmler.
Muté au camp de concentration de Buchenwald, il sert
sous les ordres de Hannes Eisel, un autre médecin
nazi. Rapidement promu, Heim est nommé en octobre
1941 médecin chef du camp de Mauthausen où près
de 120 000 personnes furent exterminées. Sa « mission » dure
sept semaines au cours desquelles il se livre à des
interventions sans anesthésie et à des expériences
médicales. Les détenus malades sont ses cobayes.
Les archives allemandes du camp, dûment conservées,
renseignent sur le détail des actes effectués
et le nombre de morts, qui révèle des expérimentations
quotidiennes d’une atrocité inouïe. L’historien
britannique David Wingeate Pike rapporte dans son ouvrage
publié en 2000, « Des Espagnols dans l’Holocauste,
Mauthausen, l’horreur du Danube », que Heim réalisait
des études comparatives sur des mélanges de
poisons, mesurant à l’aide d’un chronomètre
la rapidité d’action des injections létales
qu’il administrait directement dans le cœur des
prisonniers.
Cette pratique lui vaut le surnom de « El Banderillero » par
les Républicains espagnols détenus à Mauthausen.
On le surnomme aussi « Doctor Tod » (Docteur
La Mort) ; ses expériences tuent en moyenne six personnes
chaque jour. La police judiciaire de Stuttgart avance le
chiffre de 300 morts.
Au mois de novembre 1941, Heim quitte Mauthausen pour rejoindre
les Waffen SS, qui se singularisèrent par le nombre
de leurs exactions sur tous leurs théâtres d’opérations.
Le « docteur » Aribert Heim n’est pas une
exception dans la Waffen SS, sociologiquement composée à 14%
de professions libérales. Paradoxe allemand, c’est
son engagement dans la Waffen SS qui le sauvera au sortir
de la guerre.
Au mois de mars 1945, il est arrêté par les
Alliés, mais il n’est jugé que pour son
appartenance à la « Waffen »… Il
est envoyé dans un camp de travaux forcés dont
il est relâché en 1947. Il s’installe
alors comme médecin gynécologue à Baden-Baden
où il se marie et fonde une famille. C’est à l’occasion
d’un procès d’un ancien nazi à Wiesbaden
que son nom est cité pour la première fois
par un témoin. Il disparaît en 1962 alors que
la police allemande s’apprête à l’arrêter.
Sa famille le déclare mort d’un cancer depuis
1967, mais des enquêteurs israéliens découvrent
l’existence d’un compte bancaire à son
nom à Berlin, contenant près d’un million
d’euros. Grâce à une fortune importante
disséminée aux quatre coins de la planète,
il aurait bénéficié de l’assistance
de réseaux d’anciens nazis fugitifs comme ODESSA
(Organisation des Anciens Membres de la SS). Aribert Heim
semble bien vivant.
A la fin des années 1970, Simon Wiesenthal, qui est
un survivant du camp de Mauthausen, demande au Ministre de
la justice allemande la comparution de Heim devant les tribunaux.
La traque se poursuit pendant plus de vingt ans. En 2002, à l’initiative
d’Efraïm Zuroff, le successeur de Simon Wiesenthal,
le Centre lance l’ « Opération de la Dernière
Chance », où Heim figure en deuxième
position sur la liste des criminels nazis les plus recherchés,
après Aloïs Brunner.
L’homme que l’on compare à Josef Mengele,
le médecin d’Auschwitz surnommé « l’Ange
de la Mort », a réussi à séjourner
dans les pays suivants : Allemagne, Argentine, Danemark,
Brésil, Espagne. Localisé dans la ville espagnole
de Palafrugell en 2005, Heim serait aujourd’hui au
Chili où les enquêteurs ont retrouvé sa
sœur Waltraud.
Réussir la capture de cet ancien « médecin » SS
permettrait à l’Allemagne de mettre la main
sur l’un des derniers nazis vivants. C’est aussi
l’ultime épisode de l’histoire de la « chasse
aux nazis ». Elle fait désormais partie intégrante
de l’histoire de la Shoah, de sa mémoire aussi.
Une histoire de justice qui « n’est pas vengeance »,
pour reprendre la formule du premier chasseur de nazis, Simon
Wiesenthal.
Aloïs Brunner, le bras droit d’Adolf Eichmann
(l’un des artisans de la politique d’extermination
des Juifs par les nazis, arrêté, jugé et
pendu à Jérusalem en 1962), n’a toujours
pas été arrêté. En liberté aussi,
Milivoj Asner, ex officier de la police croate, responsable
de l’arrestation et de la déportation de plusieurs
centaines de juifs vers les camps de la mort. En liberté,
aussi, Erna Wallisch, une garde chargée d’escorter
les prisonniers jusqu’aux chambres à gaz de
Majdanek.
Aribert Heim n’est pas le seul criminel nazi à avoir échappé à la
justice des hommes, pendant plus d’un demi-siècle.
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