29 juillet 2007 23:05

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Aribert Heim, la dernière chasse aux nazis ?
Par David Bronner pour Guysen International News

 
 


L’hebdomadaire allemand « Der Spiegel » daté du 30 juillet 2007 annonce que l’Allemagne traque activement l’ancien médecin nazi Aribert Heim. Selon les toutes dernières informations du Centre Simon Wiesenthal, le criminel serait sur le point d’être retrouvé.
Celui que l’on nommait « Le boucher de Mauthausen » et dont on a perdu toute trace en 1962 se serait récemment caché en Europe puis en Amérique Latine. Agé de 93 ans, il est « chassé » par le Centre Simon Wiesenthal depuis des décennies.


Selon « Der Spiegel », l’Allemagne, qui avait émis un mandat d’arrêt international contre lui en 1979, offre aujourd’hui une prime de 130 000 euros pour toute information conduisant à sa capture ; l’Autriche a aussi promis 50 000 euros à quiconque aiderait à retrouver la trace du médecin nazi.

Aribert Heim est un nazi bien connu des historiens de la Deuxième guerre mondiale. Avec Aloïs Brunner, il fait partie des grands criminels nazis jamais retrouvés. Aribert Heim n’est pas un criminel nazi ordinaire. Soupçonné d’avoir assassiné et torturé plus de 300 détenus déportés au camp de concentration de Mauthausen, c’est en qualité de médecin qu’il tue ses « patients » dans d’atroces souffrances.

Heim est autrichien, comme 40% des officiers et dignitaires nazis. Il poursuit ses études de médecine à l’Université de Vienne et, sans terminer son cursus, il rejoint à l’âge de 21 ans le Parti National Socialiste Autrichien, alors interdit. En 1938, immédiatement après l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, il rejoint les légions SS de Heinrich Himmler.

Muté au camp de concentration de Buchenwald, il sert sous les ordres de Hannes Eisel, un autre médecin nazi. Rapidement promu, Heim est nommé en octobre 1941 médecin chef du camp de Mauthausen où près de 120 000 personnes furent exterminées. Sa « mission » dure sept semaines au cours desquelles il se livre à des interventions sans anesthésie et à des expériences médicales. Les détenus malades sont ses cobayes.

Les archives allemandes du camp, dûment conservées, renseignent sur le détail des actes effectués et le nombre de morts, qui révèle des expérimentations quotidiennes d’une atrocité inouïe. L’historien britannique David Wingeate Pike rapporte dans son ouvrage publié en 2000, « Des Espagnols dans l’Holocauste, Mauthausen, l’horreur du Danube », que Heim réalisait des études comparatives sur des mélanges de poisons, mesurant à l’aide d’un chronomètre la rapidité d’action des injections létales qu’il administrait directement dans le cœur des prisonniers.

Cette pratique lui vaut le surnom de « El Banderillero » par les Républicains espagnols détenus à Mauthausen. On le surnomme aussi « Doctor Tod » (Docteur La Mort) ; ses expériences tuent en moyenne six personnes chaque jour. La police judiciaire de Stuttgart avance le chiffre de 300 morts.

Au mois de novembre 1941, Heim quitte Mauthausen pour rejoindre les Waffen SS, qui se singularisèrent par le nombre de leurs exactions sur tous leurs théâtres d’opérations. Le « docteur » Aribert Heim n’est pas une exception dans la Waffen SS, sociologiquement composée à 14% de professions libérales. Paradoxe allemand, c’est son engagement dans la Waffen SS qui le sauvera au sortir de la guerre.

Au mois de mars 1945, il est arrêté par les Alliés, mais il n’est jugé que pour son appartenance à la « Waffen »… Il est envoyé dans un camp de travaux forcés dont il est relâché en 1947. Il s’installe alors comme médecin gynécologue à Baden-Baden où il se marie et fonde une famille. C’est à l’occasion d’un procès d’un ancien nazi à Wiesbaden que son nom est cité pour la première fois par un témoin. Il disparaît en 1962 alors que la police allemande s’apprête à l’arrêter.

Sa famille le déclare mort d’un cancer depuis 1967, mais des enquêteurs israéliens découvrent l’existence d’un compte bancaire à son nom à Berlin, contenant près d’un million d’euros. Grâce à une fortune importante disséminée aux quatre coins de la planète, il aurait bénéficié de l’assistance de réseaux d’anciens nazis fugitifs comme ODESSA (Organisation des Anciens Membres de la SS). Aribert Heim semble bien vivant.
A la fin des années 1970, Simon Wiesenthal, qui est un survivant du camp de Mauthausen, demande au Ministre de la justice allemande la comparution de Heim devant les tribunaux. La traque se poursuit pendant plus de vingt ans. En 2002, à l’initiative d’Efraïm Zuroff, le successeur de Simon Wiesenthal, le Centre lance l’ « Opération de la Dernière Chance », où Heim figure en deuxième position sur la liste des criminels nazis les plus recherchés, après Aloïs Brunner.

L’homme que l’on compare à Josef Mengele, le médecin d’Auschwitz surnommé « l’Ange de la Mort », a réussi à séjourner dans les pays suivants : Allemagne, Argentine, Danemark, Brésil, Espagne. Localisé dans la ville espagnole de Palafrugell en 2005, Heim serait aujourd’hui au Chili où les enquêteurs ont retrouvé sa sœur Waltraud.

Réussir la capture de cet ancien « médecin » SS permettrait à l’Allemagne de mettre la main sur l’un des derniers nazis vivants. C’est aussi l’ultime épisode de l’histoire de la « chasse aux nazis ». Elle fait désormais partie intégrante de l’histoire de la Shoah, de sa mémoire aussi. Une histoire de justice qui « n’est pas vengeance », pour reprendre la formule du premier chasseur de nazis, Simon Wiesenthal.

Aloïs Brunner, le bras droit d’Adolf Eichmann (l’un des artisans de la politique d’extermination des Juifs par les nazis, arrêté, jugé et pendu à Jérusalem en 1962), n’a toujours pas été arrêté. En liberté aussi, Milivoj Asner, ex officier de la police croate, responsable de l’arrestation et de la déportation de plusieurs centaines de juifs vers les camps de la mort. En liberté, aussi, Erna Wallisch, une garde chargée d’escorter les prisonniers jusqu’aux chambres à gaz de Majdanek.

Aribert Heim n’est pas le seul criminel nazi à avoir échappé à la justice des hommes, pendant plus d’un demi-siècle.

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