28 janvier 2005
 
  Efraim Zuroff, le dernier chasseur de nazis  
 

Jérusalem : de notre correspondant Patrick Saint-Paul
LE FIGARO

L'historien israélien poursuit la traque contre l'oubli

Un seul homme continue de traquer les criminels de guerre nazis à travers le monde. Le dernier chasseur de nazis, l'historien israélien Efraim Zuroff, estime contribuer par son travail au devoir de mémoire, chaque procès ayant une valeur pédagogique. Ce n'est pas sa seule motivation. Car il se bat avant tout pour rendre justice aux descendants des victimes de la Shoah.


Quelques années après Serge Klarsfeld, qui a consacré sa vie à traquer les bourreaux des victimes françaises, le chasseur de nazis le plus célèbre, Simon Wiesenthal, avait décidé en avril 2003 d'arrêter ses recherches. «S'il reste encore quelques criminels que je n'avais pas recherchés, maintenant ils sont trop vieux pour comparaître devant la justice», avait conclu Wiesenthal alors âgé de 95 ans. Efraim Zuroff, directeur du centre Wiesenthal en Israël, juge au contraire qu'une course contre la montre est engagée. «S'il s'agit de l'homme qui a tué votre père ou votre grand-père, son âge ne compte pas, explique-t-il au Figaro. Mais, dans ce genre de procès, il faut des témoins. Il est de plus en plus difficile de les retrouver. D'ici deux ou trois ans tout sera fini. Ils auront tous disparu.»


Efraim Zuroff a lancé avant-hier en Allemagne l'opération «Dernière Chance», qui offre une récompense de 10 000 euros pour des informations permettant de condamner un criminel de guerre nazi. L'initiative a déjà été lancée dans huit autres pays d'Europe de l'Est et d'Europe centrale. Jusqu'à présent, la prime a été versée une seule fois, pour un suspect qui n'a pas encore été condamné. «L'Allemagne est le pays au monde où se cachent encore le plus grand nombre de criminels, assure le docteur Zuroff. Ils y sont plusieurs milliers. Car seuls les officiers ont été poursuivis. Nous avons bon espoir d'en faire condamner quelques-uns.»


L'âge n'est pas un obstacle, estime-t-il, en ironisant : «J'ai remarqué aussi que les gens qui n'ont pas de conscience ont une plus grande longévité. Mais ce n'est pas parce que les criminels sont malins et qu'ils ont réussi à échapper à la justice pendant plus de quarante ans qu'ils ont le droit de promener leur chien tous les jours et d'aller à la piscine.»


Parti des Etats-Unis pour s'installer en Israël en 1970, Efraim Zuroff, 56 ans, n'est pas un descendant de victime de la Shoah. Il estime qu'en laissant ces criminels s'échapper le monde envoie le mauvais message. Selon lui, des pays comme la Roumanie, la Lituanie, ou la Pologne, qui ont connu des régimes pronazis, tentent aujourd'hui d'occulter leurs responsabilités, de «réécrire les livres d'histoire». Le docteurr Zuroff estime que le procès du commandant du camp de Jasenovac, le Croate Dinko Sakic, condamné en 1999 à Zagreb à vingt ans de prison, a été salutaire pour la Croatie. «Ce fut l'occasion d'exposer les consciences des Croates aux crimes commis dans leur pays pendant l'Holocauste», dit-il.


Le chasseur de nazis espère accrocher à son tableau un autre Croate, Milivoj Asner, 91 ans. Pourchassé par la justice croate à la suite des informations transmises par le docteur Zuroff, celui-ci s'est échappé en Autriche, qui refuse pour l'instant de l'extrader. «L'Autriche affirme ne pas avoir reçu de demande d'extradition en bonne et due forme, accuse Zuroff. La réalité, c'est que ce pays est plein d'antisémites zélés et qu'il n'y a pas eu la moindre poursuite contre un criminel nazi dans ce pays depuis trente ans, malgré un passé chargé.» Son autre proie privilégiée, Charles Zentai, 83 ans, d'origine hongroise, est accusé d'avoir tabassé à mort, en 1944, un Juif qui ne portait pas l'étoile jaune avant de le jeter dans le Danube. Il vit en Australie et Zuroff a bon espoir de le faire juger.

http://www.lefigaro.fr/international/20050128.FIG0037.html