Jérusalem
: de notre correspondant Patrick Saint-Paul
LE FIGARO
L'historien israélien poursuit la traque contre l'oubli
Un seul homme continue de traquer les
criminels de guerre nazis à travers le monde. Le dernier
chasseur de nazis, l'historien israélien Efraim Zuroff,
estime contribuer par son travail au devoir de mémoire,
chaque procès ayant une valeur pédagogique.
Ce n'est pas sa seule motivation. Car il se bat avant tout
pour rendre justice aux descendants des victimes de la Shoah.
Quelques années après Serge Klarsfeld, qui
a consacré sa vie à traquer les bourreaux des
victimes françaises, le chasseur de nazis le plus
célèbre, Simon Wiesenthal, avait décidé en
avril 2003 d'arrêter ses recherches. «S'il reste
encore quelques criminels que je n'avais pas recherchés,
maintenant ils sont trop vieux pour comparaître devant
la justice», avait conclu Wiesenthal alors âgé de
95 ans. Efraim Zuroff, directeur du centre Wiesenthal en
Israël, juge au contraire qu'une course contre la montre
est engagée. «S'il s'agit de l'homme qui a tué votre
père ou votre grand-père, son âge ne
compte pas, explique-t-il au Figaro. Mais, dans ce genre
de procès, il faut des témoins. Il est de plus
en plus difficile de les retrouver. D'ici deux ou trois ans
tout sera fini. Ils auront tous disparu.»
Efraim Zuroff a lancé avant-hier en Allemagne l'opération «Dernière
Chance», qui offre une récompense de 10 000
euros pour des informations permettant de condamner un criminel
de guerre nazi. L'initiative a déjà été lancée
dans huit autres pays d'Europe de l'Est et d'Europe centrale.
Jusqu'à présent, la prime a été versée
une seule fois, pour un suspect qui n'a pas encore été condamné. «L'Allemagne
est le pays au monde où se cachent encore le plus
grand nombre de criminels, assure le docteur Zuroff. Ils
y sont plusieurs milliers. Car seuls les officiers ont été poursuivis.
Nous avons bon espoir d'en faire condamner quelques-uns.»
L'âge n'est pas un obstacle, estime-t-il, en ironisant
: «J'ai remarqué aussi que les gens qui n'ont
pas de conscience ont une plus grande longévité.
Mais ce n'est pas parce que les criminels sont malins et
qu'ils ont réussi à échapper à la
justice pendant plus de quarante ans qu'ils ont le droit
de promener leur chien tous les jours et d'aller à la
piscine.»
Parti des Etats-Unis pour s'installer en Israël en 1970,
Efraim Zuroff, 56 ans, n'est pas un descendant de victime
de la Shoah. Il estime qu'en laissant ces criminels s'échapper
le monde envoie le mauvais message. Selon lui, des pays comme
la Roumanie, la Lituanie, ou la Pologne, qui ont connu des
régimes pronazis, tentent aujourd'hui d'occulter leurs
responsabilités, de «réécrire
les livres d'histoire». Le docteurr Zuroff estime que
le procès du commandant du camp de Jasenovac, le Croate
Dinko Sakic, condamné en 1999 à Zagreb à vingt
ans de prison, a été salutaire pour la Croatie. «Ce
fut l'occasion d'exposer les consciences des Croates aux
crimes commis dans leur pays pendant l'Holocauste»,
dit-il.
Le chasseur de nazis espère accrocher à son
tableau un autre Croate, Milivoj Asner, 91 ans. Pourchassé par
la justice croate à la suite des informations transmises
par le docteur Zuroff, celui-ci s'est échappé en
Autriche, qui refuse pour l'instant de l'extrader. «L'Autriche
affirme ne pas avoir reçu de demande d'extradition
en bonne et due forme, accuse Zuroff. La réalité,
c'est que ce pays est plein d'antisémites zélés
et qu'il n'y a pas eu la moindre poursuite contre un criminel
nazi dans ce pays depuis trente ans, malgré un passé chargé.» Son
autre proie privilégiée, Charles Zentai, 83
ans, d'origine hongroise, est accusé d'avoir tabassé à mort,
en 1944, un Juif qui ne portait pas l'étoile jaune
avant de le jeter dans le Danube. Il vit en Australie et
Zuroff a bon espoir de le faire juger.
http://www.lefigaro.fr/international/20050128.FIG0037.html
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