Andreas B. avait 6 ans. Il est l'un des derniers rescapés
du massacre de Novi Sad encore en vie et refuse, aujourd'hui
encore, que soient divulgués son nom et sa photo, par peur
de représailles antisémites. Une prudence justifiée aux
yeux de l'historien qui traduit ses propos.
"On nous a fait sortir des maisons. Il faisait horriblement froid. J'étais avec
mes parents. A mes grands-parents paternels, les gendarmes
ont dit de ne pas bouger. C'était la nuit, on a marché, des
gens venaient de plusieurs endroits, mais on a tous été rassemblés
dans la même rue qui conduisait au fleuve. Puis on nous a
dit de nous mettre à la queue leu leu."
L'eau du Danube est gelée, les Hongrois
tirent au canon pour briser la glace. "Mon père m'a pris dans ses bras. De là-haut, je voyais des gens se faire frapper,
j'entendais des détonations mais je n'arrivais pas à voir
qui se faisait tirer dessus." Ce sont les personnes qui les précèdent. Arrivant au bord du fleuve, elles reçoivent
une balle dans la tête puis tombent entre les blocs de glace. "Mes parents avaient évidemment compris que nous allions mourir, moi pas, sinon
je serais devenu fou. Ils me murmuraient: 'Garde espoir,
Dieu est là, Dieu nous protège.'"
Soudain la file se fige. Des ordres
fusent. Un avion rempli de hauts gradés vient d'atterrir.
L'opération "Razzia", menée sans leur autorisation, est interrompue. "On nous a dit de rentrer dans nos maisons. Là, nous avons trouvé les corps de
mes grands-parents, qui avaient été abattus. Puis nous sommes
repartis pour Budapest. Plus tard, mon père est mort en camp
de travail. Ma mère et moi avons été arrêtés mais nous nous
sommes échappés et avons pu nous cacher jusqu'à la Libération."
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