27 décembre 2009 à 16:53
hu-lala.org
Le nazi n°1 vit libre à Budapest

Depuis le début du procès d'Ivan Demjanjuk à Munich ce mois-ci, le prochain sur la liste des traqueurs de nazis n'est autre que Sandor Képiro, ancien capitaine de la gendarmerie hongroise. Il est accusé d'avoir dirigé la razzia de Novi Sad de son propre chef, trois jours durant en janvier 1942. Ironie du sort, après 50 ans d'exil en Argentine, Képiro, 95 ans, vit depuis 1996 dans la quiétude du 2ème arrondissement de Budapest, juste en face de la synagogue Léo Frankel.

La razzia de Novi sad

Juste avant l'Holocauste, la capitale de Voïvodine traversée par le Danube comptait 4000 juifs parmi ses 80000 habitants. Le 21 janvier 1942, l'administration d'Hitler n'a même pas eu besoin de faire pression sur les autorités hongroises ou serbes pour que l'extermination des juifs, des tziganes et de certains autres serbes commence à Novi Sad. Au contraire, c'est Budapest qui va mettre un terme au massacre deux jours plus tard et condamner les responsables en 44, dont le plus gradé d'entre eux, Sandor Képiro. C'est une petite rébellion de la communauté juive de Novi Sad qui a servi de prétexte à la vague d'arrestations individuelles, de tortures et d'exécutions menées par la gendarmerie hongroise et un régiment de l'armée serbe. Pendant trois jours, la répression a gagné les rues de la ville, mais elle s'est rapidement concentrée sur les bords du Danube gelé, où ont été jetés les corps de plus de 1200 victimes.

Les premiers procès

Lors de son premier jugement Képiro affirme avoir demandé une preuve écrite de l'ordre donné par son commandant. Aujourd'hui encore, c'est sa seule ligne de défense face à l'accusation d'avoir pris l'initiative isolée d'organiser des rafles meurtrières massives. En 1944, le tribunal militaire le dégrade et le condamne à dix ans de prison, mais il va échapper à sa peine. Quelques semaines après son procès, les allemands envahissent la Hongrie, cassent le verdict et réhabilitent Sandor Képiro. En 1946, alors qu'il est exilé à Buenos Aires depuis la fin de la guerre, la justice hongroise, sous le régime communiste, le condamne à 14 ans de prison. Ce n'est qu'à la chute du bloc soviétique qu'il reviendra au pays.

Un dernier procès embarrassant

Lorsqu'il lui arrive d'être à nouveau interrogé, Képiro continue à nier en bloc sa responsabilité, en affirmant qu'il n'a fait qu'obéir aux ordres de sa hiérarchie. Il n'a cependant jamais nié avoir participé au massacre, au contraire, des témoins auraient rapporté qu'il s'en vante. Depuis septembre dernier, la Serbie a réclamé son extradition. Il a été entendu par la justice hongroise le 14 septembre dernier, mais aucune procédure n'a encore été lancée, comme si ses deux premiers jugements n'avaient aucune valeur. La justice hongroise prend ostensiblement son temps pour étudier le dossier: deux ans pour décider si Képiro doit être jugé. Avec un peu de "chance" , Képiro sera peut-être mort d'ici-là et la Hongrie évitera de remettre son antisémitisme vicéral sur le devant de la scène. La collaboration hongroise est d'autant plus difficile à assumer que les arrestations et les déportations ont bien plus souvent été l'oeuvre de la gendarmerie hongroise que de la Gestapo elle-même.

Le protégé du quartier

Pour un chasseur de nazis chevronné comme Efraïm Zuroff, le directeur du centre Simon Wiesenthal, Sandor Képiro est le dernier gros poisson à capturer. Pourtant, bien que celui-ci habite tranquillement à Budapest depuis 13 ans maintenant, il ne l'a découvert qu'il y a trois ans. Comment le vieil homme a t-il fait pour rester aussi discret? Dans son quartier, beaucoup d'habitants le connaissent. Nombre d'entre eux estiment qu'il aurait fallu agir plus tôt et qu'il faut désormais laisser le vieillard tranquille. Tenter d'approcher Képiro n'est également pas chose facile... il est protégé par ses voisins, qui n'hésitent pas à proférer des menaces à l'encontre des étrangers qui viennent frapper à sa porte. La est certainement le secret de la discrétion du nazi hongrois: un retour aux sources pour mieux se fondre dans un milieu où, 67 ans plus tard, les pratiques résistantes sont inversées.

hu-lala.org