Sándor Képíró, criminel nazi présumé, comparaît depuis début
mai devant la justice hongroise. Âgé de 97 ans, cet ancien
capitaine de gendarmerie est accusé d’avoir donné l’ordre
de tuer 1 200 civils, notamment des juifs, en 1942, à Novi
Sad (Serbie).
Ce procès
constitue un moment historique pour la Hongrie
et est sans doute l’un des derniers de ce
genre, puisque la majorité des criminels de
guerre présumés sont aujourd’hui décédés.
Sándor Képíró est accusé, selon l’acte d’acusation
du Parquet, d’avoir été «complice d'actes
constitutifs de crimes de guerre» lors d'une
rafle intervenue entre les 21 et 23 janvier
1942 à Novi Sad, territoire aujourd'hui serbe,
alors annexé par la Hongrie, alliée de l'Allemagne
nazie. Environ 1200 civils ont péri lors de
ce massacre. L'ancien capitaine de gendarmerie,
juriste de formation, doit répondre directement
de la mort de 36 personnes. Des hommes de
sa patrouille ont tué quatre personnes à leur
domicile, il serait responsable de la mort
de deux frères dont il a refusé la libération
et il aurait ordonné à 30 personnes de monter
dans un camion qui les a emmenés devant un
peloton d'exécution, a détaillé le procureur.
Sándor Képíró dément les faits associés et
se prétend n’avoir exécuté que les ordres
fondés légalement : «J'étais le seul à refuser
l’utilisation d’armes à feu à la moindre attaque,
faute d’injonctions écrites». Il affirme avoir
sauvé la vie de cinq personnes qu'un caporal
voulait exécuter sur
les bords du Danube.
Sándor Képíró avait déjà été condamné à deux
reprises pour cette rafle : en 1944 puis,
après l'annulation du premier procès, en 1946,
à respectivement 10 et 14 ans de prison. Il
n’a cependant jamais purgé sa peine car il
s’est enfui de Hongrie dès 1944 pour se réfugier
en Argentine. Il a profité de la chute du
communisme pour rentrer dans son pays en 1996.
Dix ans plus tard, Efraim Zurof, dirigeant
du Centre Simon Wiesenthal (CSW), spécialisé
dans la traque des nazis, retrouve sa trace
à Budapest où il sera arrêté en 2009. «Il
s'agit du premier procès d'un criminel de
guerre hongrois et, comme la Hongrie a collaboré
avec l'Allemagne nazie, c'est très important
qu'il ait lieu. J'espère qu'enfin il sera
condamné et puni», a déclaré Efraim Zuroff.
«Comme bien d’autres dignitaires nazis, il
affirme n’avoir fait qu’exécuter des ordres…
Cette ligne de défense a déjà été rejetée
à plusieurs reprises devant les tribunaux.
Si on suit cette logique, seul Adolf Hitler
serait responsable! En outre, Sándor Képíró
est un juriste
de formation, il savait donc parfaitement
que les ordres qu’il a choisi d’exécuter étaient
illégaux. Et puis ce procès intervient à un
moment où le pays est confronté à une résurgence
du discours populiste qui stigmatise de plus
en plus violemment la population rom. C’est
l’occasion de montrer à quel point le racisme
et l’antisémitisme peuvent mener à des horreurs»,
a-t-il ajouté. La défense de M. Kepiró est
assurée par la Fondation Légale Nationale,
dirigé par Tamas Nagy Gaudi, député du parti
d’extrême droite, le Jobbik. En 2009, la police
hongroise a déjà lancé une enquête sur l’affaire
Képíró, mais faute de preuves, aucun procès
n’a été ouvert. Cette fois, se basant sur
les documents historiques fournis par le CSW,
l’enquête a pu être menée à son terme.
Sándor Képíró devint membre de la Gendarmerie
nationale, et officier en 1940. Il le resta
jusqu’à la fin de la guerre. Avec l’arrivé
des troupes russes sur le territoire hongrois,
il décida de s’enfuir pour éviter les poursuites
et la captivité. Il vécut et travailla d’abord
à Linz et puis à Tirol en Autriche, puis émigra
en Argentine. Sándor Képíró figure depuis
2006 sur la liste des criminels de guerre
les „most wanted”, établie par le CSW. Cette
liste comprend un autre hongrois, Károly Zentai,
aujourd’hui citoyen australien, accusé d’avoir
participé à un massacre de juifs en 1944 à
Budapest. L’opinion hongroise est divisée
sur ce procès très médiatisé, mais dont s’échappent
très peu de détails. Sándor Képíró clame son
innocence. Il encourt la prison à perpétuité.
Le verdict tombera le 3 juin prochain.
jfb.hu
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