Le Hongrois Sandor Kepiro, 97 ans, considéré comme l'un des derniers criminels
de guerre nazis présumés encore vivants, a été acquitté de
l'accusation de complicité de crimes de guerre en Serbie
en 1942, notamment contre des Juifs, lundi par le Tribunal
de Budapest.
"Sandor Kepiro est acquitté", a déclaré le juge Bela Varga qui lisait le jugement.
Le Parquet
avait requis une peine de prison ferme, tandis
que la défense avait plaidé en faveur de l'annulation
du procès ou de l'acquittement.
"Le
jugement est une insulte à la mémoire des
1.246 victimes du raid de Novi Sad", a réagi Efraïm Zuroff, le chef du centre Simon Wiesenthal, qui a contribué
à la tenue du procès en retrouvant la trace
de Kepiro à Budapest en 2006 et en transmettant
des informations aux autorités hongroises.
Si le
procureur n'a pas encore communiqué officiellement
sa décision, M. Zuroff a dit avoir "été informé par le procureur qu'il y aurait un appel de ce jugement contre celui
qui continue à figurer à la première place
de notre liste des criminels de guerre nazis".
Le porte-parole
du Tribunal serbe pour les crimes de guerre,
Bruno Vekaric, a également souhaité un recours
du parquet de Budapest contre ce jugement.
Ce verdict
n'a "rien d'inattendu de la part d'une société hongroise qui n'est pas encore mûre
pour faire face à son passé", a commenté la représentante du Centre Wiesenthal à Novi Sad, Ana Frenkel, 62
ans.
Ce verdict
illustre la difficulté de juger plus de 65
ans après les faits des hommes extrêmement
âgés, accusés de crimes de guerre pour lesquels
la justice ne dispose pratiquement pas de
témoins ou de documents fiables.
En mai,
un tribunal de Munich (Allemagne) avait condamné
un apatride d'origine ukrainienne, John Demjanjuk,
âgé de 91 ans, à cinq ans de prison pour son
rôle au camp d'extermination nazi de Sobibor
(Pologne), mais ce dernier a fait appel.
Sandor
Kepiro était accusé de complicité de crimes
de guerre commis lors d'une rafle entre les
21 et 23 janvier 1942 à Novi Sad, territoire
aujourd'hui serbe, alors annexé par la Hongrie,
alliée de l'Allemagne nazie: au moins 1.200
civils, juifs et serbes, avaient péri pendant
ce massacre. L'accusé, qui appartenait à une
unité de la gendarmerie hongroise, répondait
personnellement de la mort de 36 personnes
dont il aurait ordonné l'exécution, selon
l'accusation. Il a toujours clamé son innocence.
Le juge
a insisté sur le fait que, contrairement à "ce que prétend l'accusation, le rôle des gendarmes dans le massacre de Novi Sad
était bien inférieur à celui de l'armée", faisant valoir que seuls 180 gendarmes étaient sur place contre 5.500 soldats.
Pendant
le procès, des historiens, appelés à la barre
comme experts, avaient relevé que certains
documents sur lesquels se fondait le Parquet
étaient incomplets ou mal traduits.
Tout
au long du procès, ouvert le 5 mai, Sandor
Kepiro était apparu fatigué, ce qui avait
amené le juge Béla Varga à limiter les audiences
à seulement deux ou trois heures par jour
et à les espacer de plusieurs jours.
Lundi,
immédiatement après l'énoncé du verdict, visiblement
épuisé, il a quitté le tribunal et s'est fait
reconduire chez lui, sans faire la moindre
déclaration. La lecture des attendus du jugement,
entamée lundi, doit reprendre mardi matin
sans lui.
En 1944,
Sandor Kepiro avait déjà été condamné à 10
ans de prison par un tribunal militaire, mais
la décision avait été annulée par les autorités
de l'époque. En 1946, il avait été condamné
par contumace à 14 ans de prison par un tribunal
du régime communiste.
Sandor
Kepiro n'a jamais purgé de peine: à la fin
de la Seconde Guerre mondiale, il s'était
enfui en Argentine où il est resté plus d'un
demi-siècle avant de regagner sa patrie en
1996.
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