16 juillet 2012 à 13:12 liberation.fr
«La vieillesse ne doit pas protéger les criminels de guerre»

Interview Efraïm Zuroff dirige à Jérusalem le Centre Simon-Wiesenthal, qui a retrouvé à Budapest, avec le concours du quotidien britannique le «Sun», le criminel nazi Laszlo Csatary, 97 ans.
Recueilli par Cordélia BONAL

Pour accélérer la traque, le Centre Simon-Wiesenthal a lancé il y a dix ans l’«Opération dernière chance», qui rassemble des informations obtenues pour certaines contre compensations financières. Depuis, 87 personnes ont été identifiées, retrouvées et condamnées dans sept pays, selon le Centre. Dont Ivan Demjanjuk, jugé en Allemagne pour complicité dans le meurtre de 27 900 juifs, et mort en mars 2012. Efraïm Zuroff (photo Reuters), historien de la Shoah, directeur du Centre Simon-Wiesenthal en Israël, est à l'origine de cette vaste opération. Il a raconté son travail dans un ouvrage publié en France en 2008, Chasseur de nazis (éditions Michel-Lafon).

Comment avez-vous procédé pour retrouver Laszlo Csatary ?

Nous l’avons localisé il y a dix mois, en septembre 2011. Un informateur nous a fourni des renseignements, contre prime. Très tôt, nous avons acquis la conviction qu’il s’agissait de renseignements très sérieux. A partir de là, nous avons enclenché un travail de recherche, nous avons pu rassembler des témoignages. Et nous avons bien sûr informé le parquet de Budapest.
A combien s'élève la récompense ?

Après négociations avec l’informateur, 25 000 dollars américains (20 500 euros). Mais nous attendons l’ouverture de la procédure judiciaire avant de verser cet argent.
Quel a été le rôle joué par les journalistes du Sun ?

Nous avions localisé Laszlo Csatary, mais nous avions besoin de nouveaux éléments pour faire pression sur les autorités hongroises pour qu’elles accélèrent la manœuvre. Les journalistes du Sun ont pu le photographier et le filmer grâce aux informations que nous avions obtenues en septembre et que nous leur avons transmises. C’est la quatrième fois que le Sun collabore avec nous.
Pour autant, Laszlo Csatary n’est toujours pas formellement arrêté ?

Non. La semaine dernière, j’ai transmis les nouvelles informations que nous avions au parquet de Budapest. Qui à ce jour n’a pas arrêté Laszlo Csatary. Il s’agit donc maintenant pour nous d’accroître la pression sur la justice hongroise, d’une manière générale peu disposée à agir en la matière.
Laszlo Csatary avait été placé par le Centre Simon-Wiesenthal en tête de sa liste des criminels de guerre les plus recherchés au monde. Comment est constituée cette liste ?

La liste compte à ce jour dix noms. La question n’est pas de savoir où ils se trouvent, ça nous le savons, mais s’ils sont susceptibles d'être traînés en justice. Leur position sur la liste dépend de trois critères. D’abord, s’ils ont ou non le grade d’officier. Ensuite, s’ils ont personnellement commis des meurtres. Enfin, quelle est l'étendue de leurs crimes. Dans le cas de Laszlo Csatary, nous avons affaire à quelqu’un qui a été chef de la police dans le ghetto de Kosice, situé aujourd’hui en Slovaquie, où 15 700 juifs avaient été pour certains assassinés et pour l’immense majorité déportés vers Auschwitz.
Où se trouvent ces criminels de guerre, et quel âge ont-ils ?

En Estonie, Allemagne, Hongrie... Ils ont tous plus de 90 ans. Plus que jamais, le temps presse.
Plus personne en Amérique du Sud ?

Ceux qui s’y trouvaient, les plus importants, sont tous morts.

Que répondez-vous à ceux qui observent que ne reste plus aujourd'hui que des vieillards et seconds couteaux ?

D’abord, si ce second couteau est l’homme qui a assassiné votre grand-mère, pour vous il est de première importance. Chacune des victimes mérite un effort pour que soient retrouvés ses meurtriers. Surtout, le passage du temps n’amoindrit pas la gravité des crimes. La vieillesse ne doit pas protéger les criminels. Enfin, chaque traque qui aboutit est un message. Envers les négationnistes, et envers les criminels de guerre toujours en fuite qui savent ainsi que l’on peut venir frapper à leur porte d’un jour à l’autre.

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