Interview Efraïm Zuroff dirige à Jérusalem le Centre Simon-Wiesenthal, qui
a retrouvé à Budapest, avec le concours du quotidien britannique
le «Sun», le criminel nazi Laszlo Csatary, 97 ans.
Recueilli par Cordélia BONAL
Pour accélérer la traque, le Centre Simon-Wiesenthal a lancé il y a dix ans l’«Opération
dernière chance», qui rassemble des informations obtenues
pour certaines contre compensations financières. Depuis,
87 personnes ont été identifiées, retrouvées et condamnées
dans sept pays, selon le Centre. Dont Ivan Demjanjuk, jugé
en Allemagne pour complicité dans le meurtre de 27 900 juifs,
et mort en mars 2012. Efraïm Zuroff (photo Reuters), historien
de la Shoah, directeur du Centre Simon-Wiesenthal en Israël,
est à l'origine de cette vaste opération. Il a raconté son
travail dans un ouvrage publié en France en 2008, Chasseur
de nazis (éditions Michel-Lafon).
Comment avez-vous procédé pour retrouver Laszlo Csatary ?
Nous l’avons localisé il y a dix mois,
en septembre 2011. Un informateur nous a fourni des renseignements,
contre prime. Très tôt, nous avons acquis la conviction qu’il
s’agissait de renseignements très sérieux. A partir de là,
nous avons enclenché un travail de recherche, nous avons
pu rassembler des témoignages. Et nous avons bien sûr informé
le parquet de Budapest.
A combien s'élève la récompense ?
Après négociations avec l’informateur,
25 000 dollars américains (20 500 euros). Mais nous attendons
l’ouverture de la procédure judiciaire avant de verser cet
argent.
Quel a été le rôle joué par les journalistes du Sun ?
Nous avions localisé Laszlo Csatary,
mais nous avions besoin de nouveaux éléments pour faire pression
sur les autorités hongroises pour qu’elles accélèrent la
manœuvre. Les journalistes du Sun ont pu le photographier
et le filmer grâce aux informations que nous avions obtenues
en septembre et que nous leur avons transmises. C’est la
quatrième fois que le Sun collabore avec nous.
Pour autant, Laszlo Csatary n’est toujours pas formellement
arrêté ?
Non. La semaine dernière, j’ai transmis
les nouvelles informations que nous avions au parquet de
Budapest. Qui à ce jour n’a pas arrêté Laszlo Csatary. Il
s’agit donc maintenant pour nous d’accroître la pression
sur la justice hongroise, d’une manière générale peu disposée
à agir en la matière.
Laszlo Csatary avait été placé par le Centre Simon-Wiesenthal
en tête de sa liste des criminels de guerre les plus recherchés
au monde. Comment est constituée cette liste ?
La liste compte à ce jour dix noms.
La question n’est pas de savoir où ils se trouvent, ça nous
le savons, mais s’ils sont susceptibles d'être traînés en
justice. Leur position sur la liste dépend de trois critères.
D’abord, s’ils ont ou non le grade d’officier. Ensuite, s’ils
ont personnellement commis des meurtres. Enfin, quelle est
l'étendue de leurs crimes. Dans le cas de Laszlo Csatary,
nous avons affaire à quelqu’un qui a été chef de la police
dans le ghetto de Kosice, situé aujourd’hui en Slovaquie,
où 15 700 juifs avaient été pour certains assassinés et pour
l’immense majorité déportés vers Auschwitz.
Où se trouvent ces criminels de guerre, et quel âge ont-ils
?
En Estonie, Allemagne, Hongrie...
Ils ont tous plus de 90 ans. Plus que jamais, le temps presse.
Plus personne en Amérique du Sud ?
Ceux qui s’y trouvaient, les plus
importants, sont tous morts.
Que répondez-vous à ceux qui observent
que ne reste plus aujourd'hui que des vieillards et seconds
couteaux ?
D’abord, si ce second couteau est
l’homme qui a assassiné votre grand-mère, pour vous il est
de première importance. Chacune des victimes mérite un effort
pour que soient retrouvés ses meurtriers. Surtout, le passage
du temps n’amoindrit pas la gravité des crimes. La vieillesse
ne doit pas protéger les criminels. Enfin, chaque traque
qui aboutit est un message. Envers les négationnistes, et
envers les criminels de guerre toujours en fuite qui savent
ainsi que l’on peut venir frapper à leur porte d’un jour
à l’autre.
Les dix criminels nazis les plus recherchés
liberation.fr
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