14 Janvier 2015 i24news.tv
Poutine devrait être invité à Auschwitz
EFRAIM ZUROFF

Il n'a pas fallu longtemps pour que les édifiants sentiments de si nombreuses personnes partout dans le monde dans le sillage de la marche Républicaine se dissipent ou, du moins, se refroidissent. Il suffisait de regarder de près les deux premières rangées de marcheurs pour comprendre que, avec tout le respect et l'appréciation que l’on doit au Parisien moyen sorti faire preuve de respect et de solidarité envers les victimes, pour constater que se trouvaient parmi les chefs d'Etat et dignitaires présents plusieurs pays dont la réputation en matière de respect des droits de l'Homme aurait du automatiquement les exclure de toute participation, et encore moins de se retrouver parmi les meneurs de la marche.

Abou Mazen, le roi Abdallah II de Jordanie, le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov sont les exemples les plus flagrants qui viennent à l'esprit.

Ironiquement, alors que je méditais sur cette question, j’ai été contacté par un journaliste qui voulait savoir ce que je pensais du fait que Vladimir Poutine n’ait pas reçu “une pleine invitation diplomatique" de la Pologne pour assister à la cérémonie marquant le soixante-dixième anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau le 27 janvier prochain. Pour cette raison, Poutine a décidé de ne pas participer à l'événement où se retrouveront de nombreux dirigeants du monde.

Contrairement aux indignes dirigeants étrangers présents à la marche de protestation à Paris n’ayant aucune crédibilité à se prononcer sur la liberté d'expression et de religion, le président russe serait un invité particulièrement important dans les événements à venir marquant la libération du plus grand des six camps de la mort nazis, où environ 1,3 million de personnes ont été assassinées, dont environ 1,1 million de Juifs.

Après tout, c’est l'Armée rouge qui a libéré Auschwitz, triste symbole de la tragédie de la Shoah. Et ce sont les forces soviétiques qui ont joué un rôle crucial dans la défaite finale du Troisième Reich. Sans leur contribution énorme et leurs sacrifices, qui sait combien de temps, et avec quelles conséquences évidemment terribles, la Seconde Guerre mondiale aurait duré. En d'autres termes, si quelqu'un mérite d'être présent à la cérémonie d'anniversaire de la libération, c’est bien Vladimir Poutine.

La raison pour laquelle il n’a pas été invité est ostensiblement l’actuelle tension entre l'Union européenne (UE) et la Russie concernant l'annexion de la Crimée par Moscou et son soutien continu à l'insurrection dans l'est de l'Ukraine, ce qui constitue en effet un sérieux problème. Cependant, cette décision pourrait également être de nature idéologique et reliée à l'âpre débat en cours entre la Russie et l'Europe de l'Est post-communiste sur l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah. Depuis l'adhésion à l’UE et à l'OTAN des pays baltes et de nombreux autres pays d'Europe orientale, une campagne systématique visant à saper le caractère unique de la Shoah et à promouvoir le bobard d’une équivalence entre les nazis et les crimes communistes a pu être observée. La motivation de cette campagne est évidente, puisque dans la plupart des pays d’Europe de l'Est, la collaboration avec les nazis a signifié la participation active aux assassinats de masse. Si on leur donne le choix entre être stigmatisés comme pays auteurs de crimes ou comme victimes, il n’est pas difficile de savoir ce que ces nouvelles démocraties préfèrent. Ainsi, au lieu d'affronter honnêtement leur passé sanglant pendant la Shoah, ils préfèrent souligner leur souffrance sous les régimes Soviétiques et les communistes, et de procéder à la glorification des combattants de la liberté contre le communisme, même s’ils ont assassiné en masse des Juifs pendant la Shoah.

La présence de Poutine à la cérémonie d'Auschwitz serait un rappel brutal de l'identité des libérateurs du camp, ce que les pays-membres de l'Europe choisissent d'oublier. Mais ce ne serait pas la bonne manière de marquer la commémoration du soixante-anniversaire de la libération d’Auschwitz.

Ce jour-là, le message doit être que la défaite du Troisième Reich a été rendue possible en raison de la coopération de toutes les forces anti-nazies, qui ont temporairement mis de côté leurs différences politiques et idéologiques pour surmonter la menace existentielle posée au monde par l'Allemagne nazie. Et cela devrait être une leçon que nous devrions également appliquer à la menace actuelle posée par l'Islam djihadiste sur le monde occidental.

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